Kinésithérapie
Le kinésitherapeute travaille sur prescription médicale, et dans le cadre du syndrome d’Angelman comme dans de nombreuses autres situations cliniques, en concertation avec l’équipe pluridisciplinaire qui entoure la personne SA (selon les cas ergothérapeute, orthophoniste, orthoptiste,, psychologue,psychomotricien,…)
Il peut accompagnera la personne porteuse du SA au fil des différentes étapes de son développement, et son intervention est à la fois préventive et curative.
Le bilan
Comme pour toute personne qui a besoin de kinésithérapie, le praticien commence par un bilan, destiné à faire un «instantané» des compétences motrices de la personne, ainsi que de ses difficultés et des éléments en cours d'acquisition. Il aboutit à une proposition d’axes de rééducation adaptés à chaque patient. Il détaille également l’architecture du rachis et des pieds.
Ce bilan est relativement complexe à réaliser chez un enfant jeune. Il faut le faire sur un nombre plus important de séances et très progressivement sans le négliger, en évitant pour ces temps des jeux excitants qui entraîneraient des contractions musculaires interférant sur l’évaluation des amplitudes passives.
Le bilan passif comprend la recherche :
- Des particularités liées au positionnement intra-utérin, telles que torticolis ou malposition des pieds.
- D'une hypotonie de l’axe.
- D'une spasticité localisée ou globale, en particulier aux membres inférieurs
- De tous les éléments qui pourraient présenter des raccourcissements, facilement mis en évidence pour les ischio-jambiers par exemple surtout à l'adolescence pouvant entraîner une marche en triple flexion
- D'une éventuelle hyperlaxité doublée ou non de muscles hypotoniques, qu’on retrouve très fréquemment au niveau des pieds. Ceux-ci se posent ainsi en appui, debout et plus encore à la marche non sur la plante des pieds mais sur le bord interne.
- D’éventuelles asymétries droite gauche.
- Chez un adolescent, des anomalies de la position des rotules (rotules hautes) surtout si la marche se fait toujours en triple flexion.
- De l’existence de courbures scoliotiques éventuelles.
Le bilan actif prend en compte :
- Tous les éléments que le médecin aura déjà mis en évidence tel que la spasticité (augmentation permanente du tonus d’un ou plusieurs groupes musculaires).
- La composante ataxique du mouvement (perturbation de l’équilibre et de la coordination motrice)
Il s’appuie sur les niveaux d'évolution motrice (enchaînements moteurs que suit l’enfant dans son évolution motrice). Ils sont constitués par une succession de redressements, de maintiens, d’enchaînements et de déplacements depuis la position allongée sur le dos jusqu’à la station érigée et la marche. Ils représentent des situations actives, dans lesquelles intervient la motricité automatique innée (schèmes cérébro-moteurs posturaux et antigravitaires). Ces situations actives sont elles-mêmes sources d’apprentissages).
Une fois le bilan fait, les axes et objectifs de travail sont déterminés, et se déclinent en deux volets :
LE TRAVAIL PASSIF (utilisant uniquement la pesanteur, la force du kinésithérapeute, ou un appareillage éventuel)
Chez le tout petit, il concerne essentiellement le traitement de troubles éventuels tels que torticolis congénital ou malpositions des pieds, qui ne sont pas spécifiques du syndrome
Chez les plus grands, Le travail principal est l'étirement lent et progressif sur des muscles bien détendus, si possible avec une posture manuelle en fin de mouvement. Pour que cela se passe au mieux l'enfant doit bénéficier d'un entraînement progressif; il est indispensable de proposer à l’enfant durant les étirements (sans dépasser 15 mn par séance) une activité motivante et relaxante adaptée à son développement Ce travail se prolonge dans le temps si nécessaire par des postures avec l'appareillage (orthèses de jour/de nuit par exemple).
LE TRAVAIL ACTIF
Il dépend de l'évolution motrice de l'enfant, la tonicité augmentant globalement avec l’âge.
Le nourrisson :
Il est globalement hypotonique. Hormis les malpositions (cf ci-dessus), il n'y a pas nécessité d'un travail passif et le kinésithérapeute peut donc consacrer toute sa séance au travail actif Il sollicite tous les muscles sans exception, et une partie de la séance est dédiée à des conseils donnés aux parents pour le quotidien.
Le kinésithérapeute travaille les niveaux d'évolution motrice, en aménageant le travail (classiquement dans l'ordre d'apparition dite normale du développement de l'enfant): les fréquentes régurgitations observées, même à distance des repas, dans les SA rendant les positions en decubitus très désagréables et contre productives, il est possible de travailler la tenue du dos en position assise maintenu par le thérapeute. Pour le travail des appuis membre supérieurs il est possible d'utiliser la position « petit lapin» soutenu par des coussins fermes, ou l'«assis- plage «soutenu qui permet également de travailler les dissociations.
Il est aussi possible de faire des exercices sur gros ballon en decubitus en maintenant la tête du bébé au sommet du ballon, permettant aussi le travail des retournements, et celui du ramper lorsque la tonicité a bien progressé.
Le jeune enfant :
Les premiers muscles dont l'enfant prend le contrôle sont ceux du schème d'extension entraînant alors d'importantes contractions symétriques globalement vers l'arrière; Le kinésithérapeute propose donc initialement un travail vers la flexion; lors du passage à la station debout, le schème est au contraire plutôt en flexion globale, et le thérapeute veille à équilibrer flexion et extension. Il développe les positions asymétriques qui permettent des transitions à moindre coût énergétique (exemple: la position de l'assis-plage (ou petite sirène) permet le passage de la station assise à la quadrupédie, le chevalier servant de la station assise à debout). Le déplacement en quadrupédie développe l’appui rapide des membres supérieurs nécessaire en cas de chute ainsi que la dissociation des membres inférieurs essentielle pour l'acquisition de la marche. Certains enfants, et notamment ceux présentant des régurgitations persistantes, utilisent la position assise pour le déplacement au sol (bottom shuffling) au quotidien. Le passage debout semble cependant plus aisé si la quadrupédie est acquise, rendant son travail utile.
La marche :
En position debout comme à la marche l'enfant passe souvent en position de flexion exagérée symétrique.
Le thérapeute doit alors l'aider à trouver une dissociation des membres inférieurs, en particulier avec les positions asymétriques. Les muscles principaux à solliciter pour la marche sont les grands fessiers, les quadriceps et les moyens fessiers dans une moindre mesure.
Les grands fessiers sont les seuls muscles extenseurs de hanche sans action sur le genou, ils sont particulièrement sollicités par un travail en position «à genoux dressé».
Les quadriceps se recrutent en extension de genoux. La position debout est importante à travailler mais il faut préalablement placer le genou en extension passivement et solliciter alors le quadriceps. Il est parfois intéressant de placer l'enfant dans un léger déséquilibre antérieur facilitant la contraction. Pour le quotidien il est utile de proposer un tricycle adapté aux parents. Pour le quadriceps il peut être utile de faire un pédalage la selle en position haute. Les contractions ne sont pas toujours évidentes mais au moins on a un travail actif en extension de genoux.
Les moyens fessiers sont aussi sollicités dans les positions de genoux redressée avec surveillance du tronc qui ne doit pas s'incliner, et en travaillant l’alternance des appuis. Ce travail est également mené en position debout.
Ce travail peut être prolongé au delà de l'acquisition de la marche en cas de troubles orthopédiques. Dans toutes circonstances, le thérapeute intégrera la composante ataxique, que la personne SA doit compenser au mieux
L'appareillage
Il est proposé sur avis médical, et devra toujours faire l’objet d’une surveillance étroite, les manifestations de mauvaise tolérance de l’appareillage chez les patients SA pouvant être difficiles à percevoir.
Station assise
Un siège adapté sur moulage peut être proposé très jeune pour favoriser l’exploration visuelle, la coordination œil/main, accompagner le développement de l’oralité. Le siège est fait par l'appareilleur sur prescription médicale avec des adjonctions en fonction des besoins de la personne (exemples: plot d’abduction, têtière, harnais,…). Les pieds seront toujours en appui.
Marche
Sur prescription médicale, une aide à la déambulation peut être proposée (type Motilo ou Dynamico) pour augmenter l'autonomie dans le quotidien et les interactions, tout en veillant à ne pas majorer le schème en extension. Un déambulateur antérieur est utile à certaines personnes. Il peut être plus sympathique d'utiliser des aides sous forme de jeux à pousser plutôt que du matériel médical, à condition de lester le jeu ou d’en ajuster la hauteur.
Tricycle: l’utilisation d’un tricycle à pignon fixe favorise l’acquisition du pédalage, pieds maintenus par des cale-pieds au moins au début, avec possibilité d’options en fonction de chaque personne (appui-dos, canne de poussée, …). Le kinésithérapeute procède aux essayages indispensables avec le fournisseur de matériel avant l’achat définitif.
Posture jour et/ou nuit
Un appareillage de posture est parfois prescrit, à partir du bilan passif, pour conserver les amplitudes articulaires parallèlement aux étirements en séance.
Cas particulier des pieds
Un certain nombre de patients SA présentent une hypertonie des triceps suraux (mollets) associée à un effondrement des pieds (pieds plats valgus). En fonction des situations et sur prescription médicale, le port d’attelles mollet-plante, ou de coques talonnières moulées, ou de chaussures orthopédiques est indiqué
Le sport
Le sport est un complément précieux à la rééducation kinésithérapique, en évitant les sports asymétriques. On peut citer les activités aquatiques (sollicitation de l'ensemble des muscles du tronc, coordination de la respiration , autonomie dans la grande motricité), l’équitation loisir (sollicitation de l'ensemble des muscles du bassin impliqués dans le schéma de la marche et travail de la tenue de tronc), qui peut aussi s’envisager sous forme de thérapie (équithérapie).
Jantine Smith, kinésithérapeuthe & Sophie-Dorothée Montagutelli, pédiatre