La littératie
La littératie est la traduction du terme anglais «literacy». Si ce terme commence à se diffuser dans la littérature francophone, notamment du côté canadien, on parle parfois plutôt d’«entrée dans l’écrit» ou d’apprentissage de la lecture/écriture. La littératie renvoie donc à l’accès à l’écrit, ce qui a priori peut sembler éloigné des préoccupations des parents et personnes porteuses du Syndrome d’Angelman.
"L'entrée dans l'écrit"
On sait pourtant aujourd’hui que ces personnes sont capables de faire quelques apprentissages de type académique, même si ces apprentissages restent le plus souvent d’un niveau très simple. Nos homologues anglophones (Canadiens, Américains, Britanniques, Australiens…) sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la littératie pour les personnes porteuses du syndrome d’Angelman et à se poser la question de la façon d’aborder cet apprentissage. Erin Sheldon, maman d’une jeune fille porteuse du Syndrome, diplômée en éducation spécialisée et spécialiste de cette question, a participé au développement de formations et d’informations à destination des parents et professionnels, pour accompagner au mieux nos enfants sur ce plan. Elle a su faire appel et fédérer autour d’elle de nombreuses personnalités reconnues internationalement dans le champ de la littératie adaptée aux personnes avec des besoins complexes et multiples : citons Gretchen Hanser, Caroline Musselwhite, Jane Farrall, Sally Clendon, Mary-Louise Bertram, et de nombreux autres.
La littératie est un continuum : on passe du stade «émergent» (équivalent aux premières explorations de l’écrit, des livres, aux gribouillages, etc) à un stade dit «conventionnel» où la personne entre dans des composantes plus complexes (reconnaissance des lettres, des sons, combinatoire, déchiffrage, etc), mais tout le monde a sa place sur le continuum, même s’il en est au tout début.
Les aménagements existants
Ce qui ressort de cette nouvelle façon d’aborder l’entrée dans l’écrit pour un public en grande difficulté, c’est qu’il y a des activités que l’on peut proposer, y compris au stade «émergent», et qu’il est possible d’accéder à des apprentissages, à condition de trouver les adaptations et outils (souvent numériques, mais pas seulement) qui répondent aux besoins particuliers de nos enfants. (Il existe d’ailleurs aux États-Unis un Centre d’Études sur la Littératie et le Handicap, à l’Université de Caroline du Nord, Chapel Hill). Ainsi, on pourra utiliser des «crayons alternatifs» lorsqu’on est incapable d’écrire à la main, on pourra adapter des livres, sur la forme comme sur le fond, etc.
Parmi les recommandations et propositions pour favoriser l’entrée dans l’écrit de personnes porteuses de handicap complexe, on reconnaît aujourd’hui l’importance de travailler l’écrit sous plusieurs angles d’attaque simultanés : à la fois travailler la lecture, l’écriture, les mots et les sons, et la compréhension (valable également pour la population typique). En effet, il est important de proposer un programme «équilibré» (Balanced Literacy) et ne pas seulement se contenter de travailler la reconnaissance globale de mots par exemple.
Ainsi, l’approche des «4 blocs», qui est une approche de la littératie adaptée par David Koppenhaver et Karen Erickson à un public porteur de handicap, se présente comme un programme «équilibré», particulièrement intéressant. Il permet en effet de travailler l’écrit sous plusieurs angles, grâce à des activités variées et motivantes.
Et la suite ?
L’idée, aujourd’hui, serait de faire le parallèle avec la langue française et ses spécificités. Si le programme d’étude et le type d’activité peut se recouper, il est indispensable de prendre en compte les spécificités de la langue française pour cet apprentissage de la lecture et écriture.
Le courant développé par Erin Sheldon a permis d’engager des parents et des professionnels dans une sorte de «révolution» quant au regard porté sur nos enfants : si nous n’essayons pas d’accompagner nos enfants sur ce chemin des apprentissages académiques comme la lecture / écriture, avec les approches validées par la recherche, nous ne pourrons jamais savoir s’ils sont capables d’accéder à la lecture/ écriture. L’idée est donc de les accompagner pour avancer sur le continuum de l’écrit, tout en restant conscients des difficultés propres au syndrome, et de se laisser surprendre par leurs capacités et leurs progrès, en bref : de présumer de leurs compétences avant tout.
Mathilde Suc-Mella
Pour aller plus loin :
De nombreuses ressources sont encore uniquement accessibles en anglais. Quelques articles ou conférences ont été traduits cependant.
- Blog «À plusieurs Voix».
- Article de Gretchen Hanser sur le blog «À plusieurs Voix».
- Conférences FAST sur la littératie avec David Koppenhaver notamment (en anglais).
- Webinaires proposés par ASF et accessibles en ligne gratuitement, menés par Erin Sheldon, Caroline Musselwhite, Maureen Nevers et Mary-Louise Bertram, sur la Littératie, la Communication Alternative pour le public porteur de syndrome d’Angelman. (en anglais).
- Blog de Jane Farrall (en anglais).